Dès la fin 1941, les Allemands, qui occupent une grande partie de l’URSS, échouent à prendre Moscou et doivent reculer pour la première fois. Ce revers les incite à hâter l’organisation de leur projet génocidaire.
Le 20 janvier 1942, se tient la Conférence de Wannsee, près de Berlin. 15 hauts responsables du régime nazi décident la mise en application de la Solution finale à la question juive. La destruction totale des Juifs d’Europe est planifiée. En fait, l’extermination avait déjà commencé en Europe de l’Est où l’assassinat massif des populations juives, prendra plus tard le nom de Shoah par balles.
Si la décision d’exterminer la totalité des Juifs d’Europe est entérinée, les modalités pratiques sont encore en attente pour l’Europe de l’Ouest.
En France, le 27 mars 1942, le premier convoi de déportation des Juifs part du camp de Drancy et fait une halte au camp de Compiègne-Royallieu. Les Juifs, étrangers et français, sont censés effectuer des « travaux forcés à l’est ». Cette illusion s’évanouit quand les vieillards, les femmes, les enfants commencent à être déportés vers des camps. La chasse aux Juifs est systématique, programmée et industrielle dans l’Europe entière. En cette année 1942, 45 convois de déportés quittent la France en direction des camps d’extermination.
UNION DES RÉPUBLIQUES SOCIALISTES SOVIÉTIQUES (URSS)
Durant le communisme de guerre (1918-1921), lorsque le nouveau pouvoir affronte les armées étrangères venues soutenir les Blancs, l’Armée rouge l’emporte, grâce, notamment, à la paysannerie, satisfaite de la redistribution des terres. La fédération, formée par 15 républiques soviétiques, est entérinée en 1922 : c’est l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS).
La NEP (Nouvelle Économie Politique) est une période de transition, de 1921 à 1929, pour redresser l’économie.
En 1929, nouveau virage, Staline lance un programme de collectivisation totale des terres et d’industrialisation rapide. Il s’ensuit une énorme famine (1932-1933). Les paysans révoltés sont nombreux à être déportés au Goulag (camps de travail forcé).
En 1938, les accords de Munich signés entre l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l’Italie permettent à Hitler d’annexer les Sudètes. L’URSS et la Tchécoslovaquie n’ont pas été invitées. La France et le Royaume-Uni refusent toute alliance avec l’URSS. Celle-ci signe en 1939, avec l’Allemagne, le traité de non-agression germano-soviétique. Le 22 juin 1941, c’est l’opération Barbarossa : trois millions d’Allemands appuyés par l’aviation et la cavalerie envahissent l’URSS. Toute la population se mobilise pour défendre le pays. Staline libère du Goulag près d’un million de prisonniers qui sont incorporés dans l’armée. La contre-offensive soviétique débute en décembre 1941 à Moscou qui résiste, et résistera, à l’armée allemande. Par ailleurs, dans Léningrad assiégée, de septembre 1941 à janvier 1944, 800.000 habitants (un tiers de la population de la ville) meurent de faim, de froid et de maladie.
Stalingrad va devenir en février 1943 la ville emblématique de la résistance à l’invasion nazie et le symbole de la reconquête. Les combats acharnés entre soldats allemands et soviétiques se terminent par la reddition du général allemand Von Paulus et de ses troupes. C’est un tournant dans la guerre.
On estime que 26 millions de morts, civils et militaires, soit un sixième de la population active de l’URSS, ont disparu durant le conflit.
Au sortir de la guerre, le régime soviétique est auréolé du prestige de la victoire contre le nazisme.
Référence
Trotignon Yves, 1982, Le XXème siècle en URSS, Ed Bordas.
BATAILLE DE MOSCOU
Pendant ce temps, Moscou se fortifie. 250 000 femmes et adolescents creusent 8 000 km de tranchées et des fossés antichars. Après le 15 novembre, les températures chutent à -30 °C. Les soldats allemands n’ont pas été pourvus en vêtements d’hiver par un état-major entêté dans l’illusion d’une victoire automnale. Fin septembre 1941, l’espion soviétique Richard Sorge affirme que le Japon n’attaquera pas l’URSS. L’Armée rouge redéploie alors une trentaine de divisions sibériennes qui, le 5 décembre 1941, réoccupent la proche banlieue de Moscou. Le front allemand est enfoncé. En mars, lorsque s’achève la contre-offensive soviétique, les nazis constatent que l’opération Barbarossa a échoué et que la guerre sera longue.
Référence
Lopez Jean & Otkhmezuri Lasha, 2019, Barbarossa. 1941. La guerre absolue, Paris. Éd. Passés composés.
GÉNOCIDE
Le génocide est l’anéantissement délibéré et méthodique d’un groupe d’humains en raison de leur race, de leur appartenance ethnique, de leur nationalité ou de leur religion, dans le but de les faire disparaître totalement, au nom d’un principe raciste ou d’une idéologie.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, en janvier 1942, des dignitaires nazis, lors de la conférence de Wannsee, planifient la « solution finale de la question juive », à savoir la déportation et la mise à mort des Juifs dans tous les pays occupés par l’Allemagne hitlérienne.
La Solution finale est la dernière étape du génocide des Juifs d’Europe. Elle est dans la ligne de la politique d’extermination des Juifs menée par le IIIème Reich.
Les premières victimes en sont les Juifs polonais après l’invasion de leur pays par l’armée allemande, en septembre 1939 ; ils sont massacrés ou enfermés dans des ghettos où ils seront condamnés à mourir malgré une résistance acharnée.
En juin 1941, la Wehrmacht (armée du IIIème Reich) envahit l’URSS, notamment la Lituanie, l’Ukraine, la Biélorussie et fait assassiner les Juifs par des unités mobiles d’extermination lors de massacres de masse dits Shoah par balles.
En Europe de l’ouest, l’extermination des Juifs s’accélère et prend une dimension industrielle avec le recours massif au gaz. Ce génocide est appelé holocauste ou Shoah et est responsable de l’extermination de 6 millions de personnes. Il se singularise par trois points :
— Il s’exerce non pas sur un pays mais sur plusieurs dizaines de pays, un continent entier, l’Europe, et avec le projet de déborder sur l’Afrique du Nord.
— il vise des populations sans pays et donc sans terre à conquérir.
— Il se réalise selon un projet méthodique, systématique, planifié et industrialisé.
Des Juifs, originaires de toute l’Europe occupée, sont déportés jusqu’aux centres de mise à mort (ou camps d’extermination).
Les Tziganes sont également victimes de cette politique exterminatrice.
En 1958, l’ONU adopte la définition juridique du génocide.
En France, le génocide est puni en tant que crime contre l’Humanité. Il est imprescriptible.
Référence
Bruneteau Bernard, 2016, Un siècle de Génocides, Ed. Armand Colin
SOLUTION FINALE
Il s’agit de l’extermination planifiée de tous les Juifs à l’échelle européenne. Le projet inclut également les Juifs d’Afrique du Nord et de la côte orientale de la Méditerranée.
Cette conférence consacre Heydrich comme responsable du processus de destruction des Juifs.
L’utilisation du gaz asphyxiant dans des camions spéciaux ou dans les camps d’extermination et la construction des fours crématoires accélèrent les processus de mise à mort.
Shoah, holocauste, destruction, extermination sont des termes couramment employés comme synonymes de la « solution finale de la question juive » dont le bilan s’élève à 5.700.000 morts.
Référence
Bruttmann Tal, Tarricone Christophe, 2020, Les 100 mots de la Shoah, Que Sais-je ? Éditions PUF (Fiches thématiques du Mémorial de la Shoah).
MASSACRES DE MASSE - SHOAH PAR BALLES
En novembre 1939, environ 500 hommes, femmes et enfants sont exécutés dans des fosses à l’extérieur de la ville d’Ostrów Mazowiecka.
À la suite de l’opération Barbarossa, en juin 1941, les pogroms, perpétrés par une partie de la population, se multiplient en Ukraine, en Pologne, en Roumanie et en Lituanie.
Les tueries s’amplifient avec l’action intensive des Einsatzgruppen, les groupes et commandos d’intervention hitlériens. La propagande nazie affiche sa cible : le judéo-bolchevisme.
Les Einsatzgruppen sont aidés activement par les nombreuses unités locales de volontaires. Leur action constitue la première phase de la Shoah. Elle se manifeste, dans un premier temps, au travers des massacres de masse par fusillades et, dans un deuxième temps, au moyen de camions à gaz itinérants, les Gaswagen.
Au départ, ces sections militarisées de la police politique accompagnent l’armée allemande pour éliminer les bolcheviks, les opposants potentiels, les Juifs et les Tsiganes.
Dès août 1941, les Einsatzgruppen et leurs collaborateurs locaux ciblent principalement les Juifs. 23 600 Juifs, hommes, femmes et enfants, essentiellement originaires de la Transcarpatie hongroise, sont assassinés près de la ville de Kamenets-Podolski. En Ukraine, outre le massacre de Babi Yar (33771 victimes jetées dans un ravin), 50 000 Juifs de la ville d’Odessa et de sa région sont exterminés à Bogdanovka. Dans les Pays Baltes, la Biélorussie et la Crimée, les Juifs sont fusillés et ensevelis dans des fosses communes qu’ils ont souvent dû creuser eux-mêmes. En Lituanie, par exemple, les Juifs de Wilno, la Jérusalem du Nord, représentent 45 % de la population globale de la ville. Entre 1941 et 1942, dans la forêt de Ponar (ou Ponary), la quasi-totalité des Juifs de Wilno, alignés nus autour des fosses, sont tués au révolver ou à la mitrailleuse.
Parallèlement à l’activité des chambres à gaz des camps d’extermination à partir de la fin 1941, les massacres de masse par fusillades se poursuivent aussi bien en Pologne que dans les territoires soviétiques occupés.
Références
— Hilberg Raul, 2006, La Destruction des Juifs d’Europe, Paris, Ed. Gallimard.
— Minczeles Henri, 2000, Vilna, Wilno, Vilnius, Paris, Ed. La Découverte.
CAMP DE DRANCY
La situation sanitaire devient vite incontrôlable et les Allemands libèrent en novembre 1941 plus de 1 000 internés malades, adultes et enfants. Ils sont tous transférés à l’hôpital Rothschild. Une filière d’évasion, organisée par le personnel médical et avec l’aide d’un prêtre, permettra de sauver un certain nombre de ces enfants.
De décembre 1941 jusqu’en mars 1942, des otages juifs, principalement des résistants communistes d’origine immigrée, sont extraits du camp pour être fusillés au Mont-Valérien ou déportés.
Après la rafle du Vel’d’Hiv, le 16 juillet 1942, les couples sans enfants et les célibataires sont conduits directement à Drancy. Les familles, y compris les vieillards et les enfants, vont suivre.
La cité de la Muette devient la plaque tournante de la déportation des Juifs de France vers les camps de la mort.
En avril 1944, les 44 enfants juifs d’Izieu (Ain) regroupés dans une maison d’accueil, sont expédiés à Drancy par le nazi Klaus Barbie avant d’être assassinés à Auschwitz.
Au début de l’été suivant, devant la progression des forces alliées, les nazis accélèrent la déportation de milliers de Juifs acheminés vers le camp depuis la zone sud.
Le dernier convoi part de Drancy le 17 août 1944. Les déportés sont emmenés à pied à la gare de Bobigny par le nazi Aloïs Brunner, dernier chef du camp.
La quasi-totalité des Juifs de France déportés ont transité par Drancy sur ordre des nazis et de leurs collaborateurs français. Au total, environ 63 000 Juifs, répartis dans une soixantaine de convois, ont quitté la gare du Bourget-Drancy puis la gare de Bobigny, principalement à destination d’Auschwitz-Birkenau.
Le camp de Drancy, libéré le 20 août 1944 par la Résistance, reste le lieu emblématique de la persécution antisémite en France.
Références
— Rajsfus Maurice, 2012, Drancy, un camp de concentration très ordinaire 1941-1944. Ed. du Cherche-Midi
— Portes Jean-Christophe et Bénichou Rémi, 2015, Les Enfants juifs sauvés de l’hôpital Rothschild, Documentaire TV. Diffusion sur France 5.
CAMP D'INTERNEMENT DE COMPIÈGNE : LES CONVOIS JUIFS
Le camp est divisé en trois parties :
— les prisonniers français politiques (communistes, résistants…) qui constituent 70 % des internés,
— les prisonniers anglo-saxons.
— et, dans la troisième partie, les ressortissants russes, les femmes, puis, de décembre 1941 à juillet 1942, les Juifs.
50 000 personnes sont déportées vers les camps nazis, entre juin 1941 et août 1944. Le 12 décembre 1941, une rafle de 743 hommes, Juifs français, dite rafle des notables, est menée à Paris par la police française et la gestapo. 300 Juifs internés de Drancy, transférés à la demande des autorités allemandes, complètent le contingent prévu.
Le 27 mars 1942, après 3 mois d’internement dans des conditions inhumaines, tous constituent le premier convoi qui, au départ de Compiègne, quitte la France en direction du camp de la mort d’Auschwitz. 1000 déportés juifs quittent Compiègne pour Auschwitz, le 5 juin 1942.
Le premier « convoi répression », composé de résistants, part le 6 juillet 1942 ; il s’inscrit dans la politique nazie contre le judéo-bolchevisme. La politique des otages est destinée à dissuader les résistants communistes, juifs ou non, de poursuivre leurs attaques contre des officiers et des troupes de l’armée d’occupation
En décembre 1942, le général Von Stülpnagel propose à Hitler la déportation de 1000 Juifs et 500 jeunes communistes vers l’est de l’Europe.
Entre juin 1941 et août 1944, 28 convois principaux partent de la gare de Compiègne conduisant près de 40000 internés politiques vers les camps nazis d’Auschwitz, Mauthausen, Buchenwald, Ravensbrück, Dachau…
Référence
Husser Beate, Besse JP, Leclère-Rosenzweig F. 2007, Frontstalag 122-Compiègne-Royallieu. Un camp d’internement allemand dans l’Oise. 1941-1944, Ed. Archives départementales de l’Oise.
CONVOIS DE DÉPORTÉS
Les convois n° 41, 43, 54, 56 n’existent pas, et le 64 part avant le 63, en raison d’erreurs administratives. Les deux derniers convois (78 et 79) n’ont pas reçu de numérotation.
Les convois no 50 à 51 sont dirigés vers les camps de mise à mort de Sobibor et Majdanek, les convois no 52 à 53 vers Sobibor, le convoi n° 73 vers Kaunas (Lituanie) et Reval, actuelle Talinn (Estonie), le convoi n° 79 vers Buchenwald.
Les conditions des déportés, dans ces trains, sont effroyables. Enfants, vieillards, femmes, hommes sont entassés, sans eau ni nourriture, dans des wagons à bestiaux. Nombre de déportés meurent pendant le transport.
La quasi-totalité des Juifs de France déportés transitent par Drancy sur ordre des nazis et de leurs collaborateurs français. Au total, environ 63 000 Juifs, répartis dans une soixantaine de convois, quittent la gare du Bourget-Drancy puis la gare de Bobigny, principalement à destination d’Auschwitz-Birkenau.
Les déportés du Nord et du Pas-de-Calais, environ 1 000 personnes dont 202 enfants, sont envoyés dans les camps via la Belgique.
Alors que les nazis savent que leur défaite est imminente, ils ne relâchent pas leur pression.
Le dernier convoi part de Drancy le 17 août 1944. Les déportés sont emmenés à pied à la gare de Bobigny par le nazi Aloïs Brunner, dernier chef du camp, qui fuit la France… avec le convoi.
Le camp de transit de Drancy, libéré le 20 août 1944 par la Résistance, reste le lieu emblématique de la persécution antisémite en France.
Près de 3 millions des 6 millions de victimes de la Shoah ont été assassinées dans les massacres de masse en Europe de l’Est ou sont mortes dans les ghettos créés par les nazis.
Les convois à destination des camps témoignent de l’accélération de l’extermination par l’industrialisation du processus destructeur.
Un wagon à bestiaux, conservé en l’état, exposé à la cité de la Muette à Drancy (lieu du camp) symbolise tous les convois de déportés.
Références
— Site de Yad Vashem (www.yadvashem.org)
— Klarsfeld Serge, Mémorial de la déportation des Juifs de France, Association des Fils et Filles des Déportés Juifs de France (FFDJF)
— Pinol Jean-Luc, 2019, Convois : La déportation des Juifs de France, Paris, Éditions du Détour.
CAMPS D'EXTERMINATION
La politique génocidaire nazie, qui vise les Juifs (environ 6 millions de victimes) et les Tziganes, se déroule hors de ces camps.
Beaucoup de Juifs sont morts de faim dans les ghettos surpeuplés et miséreux de l’Est européen.
Près de la moitié d’entre eux sont assassinés lors des exécutions de masse (dite Shoah par balles), notamment en Ukraine, en Biélorussie et en Lituanie.
Des camions à gaz mobiles (par monoxyde de carbone, dioxyde de carbone, etc) renforcent le dispositif d’anéantissement.
La majorité des Juifs aboutit dans les centres de « mise à mort ».
Les chambres à gaz (au Zyklon B) et les fours crématoires, conçus en juillet 1942 pour se débarrasser des corps, y fonctionnent jour et nuit.
L’emplacement des camps d’extermination est choisi en raison de la proximité de voies ferroviaires et routières qui permettent d’acheminer les victimes. Les baraquements se réduisent à un ensemble très sommaire de structures. Les historiens s’accordent sur 6 principaux centres de mise à mort, tous situés en territoire polonais : Chelmno, Belzec, Sobibor, Treblinka, Majdanek et Auschwitz-Birkenau. C’est le seul complexe concentrationnaire qui, sur un même lieu, est à la fois centre de mise à mort et camp de concentration.
Références
— Bruttmann Tal, Tarricone Christophe, 2020, Les Cent Mots de la Shoah, Que sais-je ? Éditions PUF.
— Hilberg Raul 1988, La Destruction des Juifs d’Europe, Ed. Fayard.